Lorsque j’ai reçu cette proposition de lecture dans le cadre d’une masse critique privilégiée je suis évidemment allée prendre connaissance de son sujet. Truman Capote est une personnalité qui m’intrigue depuis longtemps et je ne connaissais pas du tout ces fameux cygnes dont il est question dans ce roman. J’ai accepté tout en redoutant légèrement qu’il ne soit sujet que de potins ou de haute société, bref un côté glamour qui je l’avoue n’est pas trop ma tasse de thé.
Je vous le dis tout de suite, j’ai vraiment apprécié Les Cygnes de la Cinquième avenue de Mélanie Benjamin. Voilà, c’est dit. Maintenant je vais vous dire pourquoi
Son premier point est la qualité de son écriture, aisance et fluidité sont de beaux atouts pour que le lecteur entre pleinement dans le récit. D’emblée ce fut mon cas. Les phrases sont limpides, les personnages décrits avec beaucoup d’empathie ainsi que cette haute société des années 1950. Les flashs des photographes, les soirées mondaines tout est éclairé. C’est lors d’une de ces soirées que Truman Capote sera accepté dans le groupe de femmes nommées Les cygnes dont la plus renommée et respectée pour ses goûts est Babe Paley. Entre ces deux là va se nouer une amitié et dès lors Truman sera de toutes les soirées, introduit auprès de personnes les plus affluentes de l’époque, même les hommes ne le rejetteront plus dès lors qu’étant homosexuel il ne représente aucun péril entre eux et leurs épouses. Truman Capote écrivain est très extraverti, dans ce roman on l’imagine parfois comme un vrai gamin, sautillant partout, s’exclamant souvent devant tant de beauté, peut-être est-ce là le seul vrai bémol à mon enthousiasme, c’est parfois agaçant.
En fait le thème n’est pas passionnant en lui-même, on pourrait dire splendeur et décadence de l’amitié et la confiance. Il s’agit de trahison, celle d’un Truman Capote aux aboies après l’immense succès de De sang froid, le premier roman de non fiction.
Ce qui est troublant dans cette amitié forte développée entre Babe et lui c’est que j’ai cru que vraiment il ne pourrait pas lui faire le moindre affront, qu’il ne pouvait pas la blesser tant elle s’était dévoilée à lui dans son plus intime, elle la femme / épouse / icône de haute société. Des épouses vieillissantes qui font tout pour garder la tête haute, leurs longs cous de cygnes blancs maintenus fièrement. Babe derrière tout ce verni social, celle qui ne se dévoile même pas à son mari avant d’avoir passé de longs moments devant son miroir : le teint doit être impeccable, le maquillage discret et sans vulgarité, la taille fine, les vêtements du plus haut goût. Une vie bien triste malgré les achats, la mise en vitrine dans les plus grands restaurants pour que celui-ci s’assure sa renommée. Ne jamais faillir en sortant de n’importe quel endroit, toujours dignité, sourire afin d’être lumineuse sous n’importe quel flash photographique. Pas de vie intime pour ces cygnes y compris lorsqu’elles sont entre elles puisque on ne sait jamais ce qui pourrait en être déduit. Et c’est ici que Truman Capote fera le plus grand mal, les confidences faites, notre auteur en mal d’écriture va publier certaines choses privées bien évidemment en changeant les noms mais cela paraîtra dans le journal et ces femmes s’y reconnaissent y compris Babe, frappée à l’âme.
Peut-on en vouloir à un auteur de nourrir ses récits de ce qu’il entend et de ce à quoi il assiste ?
Comment a-t-il pu trahir sans même se rendre compte de la déception pour Babe ? Comment surtout n’a t-il pas compris leurs réactions ? Un enfant naïf pensant que tout est excusable.
J’avoue que grâce à ce nouvel éclairage je suis allée directement dans ma bibliothèque relire Prières exaucées.
Je remercie Babelio et les éditions Albin Michel pour ce beau roman qui je l’espère rencontrera son lectorat.