Philippe Rey

Philippe Rey

« S’emparant d’un fait-divers, un mystère jamais résolu, qui bouleversa l’Amérique- l’assassinant le soir de Noêl 1996 de la petite JonBenet Ramsey, 6 ans et demi, célèbre mini-Miss vedette de concours de beauté-, Joyce Carol Oates reconstruit l’affaire qu’elle n’hésite pas à dénouer. »

Le narrateur de ce roman est Skyler, 19 ans aujourd’hui mais 9 lors de l’assassinat de sa soeur Edna-Louise rebaptisée Bliss par leur mère Betsey dans un accès de mysticisme . A travers ce témoignage, il tente de renouer avec le présent, pour cela il lui faut se souvenir.

Au départ il est seul, le petit homme de sa mère. Celle-ci ne travaille pas et n’a de cesse de se faire inviter par les plus nantis de la ville. Ayant pratiqué le patin à glace étant jeune, elle va essayer de mettre Skyler sur la glacemais il a peur. Bix, le père, toujours en voyage, cadre dynamique très apprécié par la gente féminine ne s’occupe que très peu de son fils. Quand arrive Edna-Louise, Betsey ne la considère que comme un fardeau jusqu’au jour où elle se rend compte des prédispositions de sa fille pour le patinage …elle renommera sa fille, Bliss. Dès lors la petite est retirée de l’école pour des cours à domicile et devient une bête à concours. La petite ne se sent exister aux yeux de sa mère qu’à travers le patin…le moindre échec devient alors une torture pour l’enfant qui culpabilise. Skyler mettra longtemps à l’aimer vraiment. Puis, il l’aidera souvent à cacher les pipis au lit, lui dessinera des petits coeurs à l’encre rouge que celle-ci lui réclame comme si son avenir en dépendait, en guise de protection.
Evidemment, nous savons comment l’histoire s’achève, la petite est morte mais qui donc l’a tuée ? Est-ce réellement ce maniaque qui se dénonce puis se suicide ensuite ou est-ce plus compliqué que cela ?

Joyce Carol Oates a écrit un roman suffocant où se télescopent le voyeurisme des médias, l’enfer familiale, l’ère de l’apparence et le désir d’être intégré, le poids des désirs de la mère et sa folie de devenir quelqu’un à travers sa fille

J’ai lu ce roman lentement car j’ai franchement eu mal pour les enfants, je n’avais qu’un souhait les enlever très vite de cette folie destructrice. Skyler passe les 10 années suivants le crime dans des hôpitaux, des écoles spécialisées hors de prix où il sera traité à grand coup de médicaments. Il y a cette profonde hypocrisie des différents psychologues et psychiatres qui n’hésitent pas à prescrire tout un tas de médicaments dès le plus jeune âge. Dans tout ça, le père n’a jamais tenu ses promesses, il est l’éternel absent ne tenant aucune promesse.

C’est un roman que je conseille vivement à tous ceux qui aiment les développements psychologiques.

Autrement Littérature

Dark island

L’histoire commence l’été des 16 ans de Shirin Wilson à Port Breton en villégiature. Shirin fascinée par l’île de Storn aime se réfugier seule dans une crique d’où elle peut la contempler. Cet été là, elle fait la connaissance de Venn, jeune héritier du domaine de Storn. Entre attraction et répulsion, les deux jeunes gens vont toutefois se rendre sur l’île.
Dix ans plus tard Venn et Shirin se retrouvent lors d’une soirée mondaine. Shirin est belle, intelligente mais pas si instruite que cela…pour moi c’est son intelligence de coeur qui est riche et désarmante à la fois.

Ils se marient sachant que bien des épreuves les guettent et la première la plus terrible pour Shirin sera de devoir renoncer à son amour pour Storn.

Je ne dirai rien de plus sur ce court roman qui m’a complètement charmée. Certains pourraient dire qu’il est « mièvre », pas moi car l’écriture de Vita est élégante, précise. Vita donne à Shirin une âme, un souffle puissant tourmenté par ses sentiments intérieurs.

Il fallait bien qu’un jour je lise cette auteure proche de Virginia Woolf que j’aime beaucoup.

Editions Liana Levi – Piccolo n°22
Paru le 01-11-2003 304 pages
Trad. de Michelle Herpe Voslinski
10,15 €

 

Dites leur que je suis un homme

Chez l’éditeur : Dans la Louisiane des années quarante, un jeune Noir, démuni et illettré, est accusé d’avoir assassiné un Blanc. Au cours de son procès, il est bafoué et traité comme un animal par l’avocat commis d’office. Si le verdict ne fait aucun doute, l’accusé, lui, décide de mener un combat pour retrouver aux yeux de tous sa dignité humaine.

Mes impressions :

Jefferson est un jeune noir accusé de meurtre . Il est défendu par un blanc. Au cours de son procès, il se fait traiter de porc, il n’est même pas un être humain. Il n’est pourtant pas coupable mais la justice est rendue par les blancs. Il ne se défend pas, personne ne le peut à cette époque. Il n’a plus qu’à attendre que la date de sa mise à mort soit fixée.

Sa nan-nan ( tante ) et la meilleur amie de celle-ci vont tout mettre en oeuvre pour qu’il décide de mourir dignement et faire disparaître l’affront des propos tenus au tribunal. Pour se faire, elles demandent à Wiggins, l’instituteur noir du village d’aller lui rendre visite en prison ainsi qu’au pasteur.
Wiggins est désemparé ne sachant que dire et quoi faire, cela le perturbe énormément, lui qui n’est pas croyant.
Nous assistons aux discussions entre Wiggins et Jefferson, les visites de la famille et le comportement abject des notables blancs.
Le moment où la chaise électrique arrive dans la petite ville est particulièrement bien décrit, chacun se rend compte du bruit qu’elle va faire, chacun est bouleversé à sa manière.
C’est un roman plein d’humanité sur la dignité et le courage.
Je vous le dis sincèrement, j’ai pleuré dans les dernières pages.

Editions Stock

La ballade du café triste

Amélia a grandi comme un homme. C’est une femme manuelle et renfermée, ne sachant finalement réellement communiquer avec autrui qu’en créant des procédures et parlant argent.

C’est au bout de deux ans qu’elle cédera aux avances de Marcy alors qu’il s’est bonifié, métamorphosé même. Elle est riche ce n’est donc pas l’argent qui lui fait accepter le mariage. Je me suis demandée si ce n’est pas son côté manuel justement qui l’aurait incitée à dire oui…je m’explique : au bout de deux ans Marcy change grâce à l’amour qu’il lui porte. C’est elle qui est à l’origine de ce changement, elle est guérisseuse.

Il n’y a pas eu de nuit de noces puisqu’elle descend au bout d’une demi-heure. Que s’est-il passé ? Je crois qu’elle refuse tout simplement le rapprochement charnel et qu’elle espérait plutôt un partenaire spirituel aux mêmes préoccupations qu’elle ( les affaires ). Marcy, l’éconduit, lui cède sa fortune mais elle ne demande rien, elle prend.

Et cette situation se reproduira avec cousin Lymon qui prendra à Amélia sans rien lui donner en échange que sa présence car  » il vaut mieux vivre avec son ennemi que seule «  dira Carson lorsqu ‘Amélia hébergera Marcy.

L’arrivée du nain m’a laissée perplexe. Il débarque et Amélia le fait entrer alors qu’il n’est probablement pas de sa famille comme il le prétend.

A mon avis rien de physique ne se passe avec cousin Lymon…si j’ai bien compris il y a deux chambres à l’étage et vous avez noté que l’auteur nous laisse dans le flou quant à ce qu’il peut s’y passer ?

Je me demande aussi si elle ne l’accepte pas parce que comme elle, il est différent. Elle va l’aimer à sa façon, c’est à dire en lui laissant les rênes du porte-monnaie en quelque sorte puisqu’elle se tient en retrait dans le café. Je crois que l’important pour elle est la confiance qu’elle place en lui, confiance qu’il bafouera en choisissant Marcy et en aidant même celui-ci à battre Amélia lors de la fameuse scène du combat final. Marcy et lui la détruisent en saccageant tous les efforts qu’elle avait fournis, et tout ce qu’elle avait construit de ses mains. Ils arrivent même à lui ôter son âme ( elle ne guérit plus et n’a plus de charité pour les malades ) Ils l’ont anéantie.

Alors dans me petite tête j’ai pensé à un complot mijoté par Marcy avec l’aide de Lymon. Marcy la prévient  » Avant de partir, il glissa sous la porte de Miss Amélia une lettre étrange, écrite mi-partie au crayon, mi-partie à l’encre- une lettre d’amour fou, qui contenait de violentes menaces.Il y faisait serment de se venger d’elle d’ici la fin de sa vie ».

Une bien belle ballade qui porte bien son nom. C’est triste, amère, désillusionnée mais l’écriture est terriblement efficace. Si vous ne connaissez pas cette auteure, découvrez là d’abord avec ce récit et ensuite plongez vous dans Reflets dans un oeil d’or.

La filière émeraude

Il s’appelle Liam et est irlandais. Pour une bêtise commise dans son pays, il doit émigrer clandestinement  en Amérique via la Filière émeraude et ….Adieu la bourse d’étude et la course à pieds, Adieu L’Irlande natale. Il se retrouve dans un motel minable à travailler pour trois fois rien, victime d’une étrange maladie qui le desquame. C’est là qu’il fait la connaissance de Sandy, un jeune drogué, bagarreur et d’Angel une adolescente prostituée enceinte .

Après quelques sombres et menaçantes péripéties  le trio prend la route pour s’installer dans un camp perdu au milieu d’autres personnes sans travail, vivant dans le dénuement. C’est la misère complète dans les caravanes où des familles entières s’entassent.

Liam prend sous sa coupe Angel, comme un grand frère le ferait.
Sandy s’évertue à « entraîner » Liam à la course : un trophée est organisé par une école et il y a de l’argent à la clef. Sandy devient de plus en plus violent, dur, frôlant la folie.

Alors voilà, je le dis « Oui ce roman est noir », oui il parle de misère, de drogue, de peur, d’isolement et de détresse . Il n’y a pas d’accumulation de clichés ici, pas de désir de pointer un tel ou tel autre. C’est un beau roman, poignant dont malgré les apparences vous sortirez indemnes  avec un magnifique bonheur de lecture. Le début peut paraître un tantinet lent mais rassurez-vous et persistez, vous n’aurez sans doute pas à le regretter.

Michael Collins a  cette écriture talentueuse qui déroule sa puissance d’évocation, qui choppe le fond du coeur, l’agite et ne le lâche pas.

Cette série des Jésus contre Hitler de Neil Jomunsi éditée par Studio Walrus est, avec la gratuité de certains classiques, à l’origine de l’achat de ma liseuse.

Que voulez-vous j’ai toujours été attirée par l’originalité et cette histoire qui cause de zombies, d’Hitler et de Jésus m’intriguait tant que j’ai succombé et suis tombée sous le charme des deux héros.

Je réunis dans cet article les trois parus à ce jour.

Jésus contre Hitler  Épisode 1 : Zombies nazis en Sibérie

Editeur : Studio Walrus

Nous sommes à la fin des années 60 et en Sibérie, il semblerait que l’horrible Hitler soit réapparu pour semer la zone et créer une armée de zombies. David Goldstein, militaire, est recruté par l’Agence B, qui débusque les phénomènes para-normaux derrière lesquels se trouvent apparemment souvent le plus odieux personnage de l’histoire, Hitler himself. A la tête de cette agence, rien de moins que John J Christ, personnage peu commode et fils illustre. Le tandem Goldie, Jésus va mener tambour battant son attaque contre le repaire nazi, il faut empêcher ce fou de reprendre le pouvoir.

Ce premier épidose permet de donner vie et sens à l’Agence B et ses représentants. Nous y apprenons comment Jésus est revenu parmi nous…rien de moins et c’est purement hilarant.

C’est truculent, délectable, rythmé et cerise sur le gâteau cet épisode est gratuit alors pourquoi ne pas faire la connaissance du tandem ?

Jésus contre Hitler Épisode 2 : Tentacules en folie

Editeur : Studio Walrus

Goldstein s’éveille d’un cauchemar dans lequel une créature tentaculaire surgit. Serait- ce un présage ? C’est ce que nous allons découvrir en suivant cette nouvelle aventure de John J Christ, et cette fois ce ne sera pas le Fûrer mais bel et bien l’illustre Cthulhu …Attention ça déménage…les plus jeunes diraient «  ça envoie du lourd » !!

On y fait des rencontres étonnantes et croustillantes…rien se semble limiter l’imagination de Neil Jomunsi ( Tant mieux !! )

Cet épisode nous fait entrer plus précisément dans l’Agence B nous dévoilant un peu plus les personnages.Les dialogues sont savoureux. Attention aux odeurs, avec Cthulhu on peut s’attendre à beaucoup de surprises et d’effroi.

Jésus contre Hitler Épisode 3 : Heil Yeti

Editeur : Studio Walrus

Nous voilà propulsés au Tibet en l’an 1962 en compagnie de notre duo de choc, John J Christ et David. Les chinois, un Yeti ou pas, et Hitler …ajoutons de la magie noire, le résultat est détonnant, musclé et particulièrement inventif.

A alors ? Je ne révèlerais rien d’autre ni ne donnerais d’extraits car il suffit de se rendre sur le site du Studio Walrus pour découvrir les couvertures,et un extrait pour chaque épisode ( 1er épisode gratuit, les suivants 1 € 49 )

Studio Walrus a créé cette jolie page de présentation, en 3 D rien de moins. Rendez-vous ici pour lire la 4ème de couverture et des extraits : Studio Walrus 

 

 

Editeur Numeriklivres

Sur le site de l’éditeur : Tom et Désiré, deux êtres différents dont la rencontre est peut-être le fruit d’un hasard, ou alors la marque de la destinée. Ces deux-là vont conjuguer leurs différences et devenir frères. L’un, enfant précoce, va vivre sa vie à l’endroit, l’autre, tombé on ne sait d’où, dans la boue d’un terrain vague, vivra la sienne à l’envers.

Tom et Désiré vont se comprendre.

Et la bascule vers l’infinie compréhension s’installe lentement. Ils sont du même monde, ils le savent, mais ne le diront jamais. C’est trop précieux, une histoire d’enfants

A partir de cette rencontre l’auteur nous promène dans un conte sensible dans lequel Tom et Désiré vont apprendre chacun à leur façon à grandir. J’ai envie de dire qu’il s’agit d’une fable philosophique, mais surtout n’ayez pas peur de suivre ce parcours. De nombreuses images et pensées m’ont traversé l’esprit à la lecture de ce Conte à rebours. C’est plaisant de s’interroger d’autant que l’écriture de l’auteur est très agréable par la poésie qui en émane et qui touche au cœur. On ne peut être insensible à un récit initiatique dont les personnages principaux font écho à notre réflexion sur la vieillesse, l’acquisition du savoir, l’apprentissage, la fraternité,la fragilité du bonheur. Qu’est ce que vivre ? Qu’en faisons-nous ? Y a t-il un but ? Où est l’importance de vivre ?

Ça se rembobine pour l’un et se déroule pour l’autre, les chemins s’écartent et se retrouvent comme au croisement d’une longue route.

Un beau conte empreint d’un humanisme profond que je suis très heureuse d’avoir découvert au détour d’un simple échange de tweet avec l’auteur.

Editeur Numériklivres : format epub Prix : 5 € 99

Numériklivres

Et sur toutes les plateformes de téléchargement.

Christian Bourgois

Une ville du nord de l’Angleterre, peu après Noêl, un homme, Robert est retrouvé mort dans son appartement. Il semble être décédé depuis plusieurs jours. Nous le voyons à travers les yeux des toxicomanes qu’il hébergeait en échange de quelques courses. Ces voix sont présentés tout au long de ce récit depuis la découverte du corps jusqu’à l’enterrement. il y a Danny, Laura, Heather, Ant,Steve, Ben, les chiens Einstein, H et Penny. Tour à tour nous découvrons l’histoire de ces toxicos et celle de Robert, nous apprenons pourquoi il aura fallu si longtemps pour trouver le corps de Robert. Les phrases de ce choeur de Nous sont parfois syncopées comme les crises de manque qui assaillent les personnages.
J’ai beaucoup aimé ce roman certes pas facile à lire  mais qui colle parfaitement aux personnages. J’ai apprécié qu’il n’y ai pas de jugement porté. C’est un roman dense, profondément humain, difficile d’accepter certaines images mais l’auteur les fait exister sans qu’elles ne deviennent déprimantes ou dérangeantes. Même l’autopsie de Robert est décrite de façon si humaine avec tant de respect dans les gestes du médecin que la scène devient touchante avec ce Nous qui suit toujours les mouvements.

Un livre peu ordinaire qui m’a profondément touchée. Je l’ai référencé en Roman noir, ce qui ne plaira peut-être pas, mais je m’en moque.

1950, Niagara Falls ( d’où le titre ), haut lieu touristique. Ariah, 29 ans, vient d’épouser Gilbert. Ils sont tous deux presbytériens. Aux lendemains de la nuit de noces, Ariah se réveille seule dans la chambre d’hôtel. Désemparée, elle va errer dans l’hôtel et apprendre peu de temps ensuite qu’un homme s’est jeté dans les chutes. Durant sept jours elle va errer le long des chutes, on l’appellera la Veuve Blanche. Elle est persuadée d’être damnée. Dick Burnaby, brillant et riche avocat aux nombreux amis la suit comme son ombre. Il tombe amoureux d’elle qui n’est pourtant ni très belle ni de son milieu et l’épousera très rapidement. Ils vivront ensuite dix années de bonheur durant lesquelles ils auront trois enfants : deux garçons et une fille. Ariah ne se passionne que pour son mari et ses enfants, elle ne souhaite rien savoir ni même comprendre du monde qui l’environne.

1962 : Dick prend fait et cause pour une femme dont la famille et la maison ( durement acquise ) ont souffert des industries chimiques qui ont fleuri à Niagara Falls ( leucémies, fausses couches, empoisonnement du sol, allergies etc …) Il y perd ceux qu’ils pensaient être ses amis, beaucoup d’argent et se met à dos les notables. Une lutte acharnée débute , Dick ne s’en sortira pas indemne. Ariah lui tourne le dos, lui reprochant d’abandonner sa famille. Dick disparaît à son tour…Ariah élève les enfants seule en donnant des leçons de piano. Elle interdit aux enfants de parler de leur père, il les a abandonnés s’acharne-t-elle à dire. Ils passeront leur enfance à tenter d’en savoir plus, subissant les sautes d’humeur d’Ariah, mère possessive, entêtée, et névrosée.

1978: L’industrie chimique est punie lors d’un procès retentissant. Les enfants quant à eux chacun à leur façon auront découvert quelques parcelles de vérité concernant leur père. C’est aussi pour eux un grand moment car ce procès réhabilité Dick.

Mon avis Un roman fleuve ( avec quelques longueurs tout de même ) qui aborde pas mal de sujets : le puritanisme, les arrangements entre industriels, politiques et laboratoires. Au coeur de ce roman Ariah que je ne suis pas parvenue à aimer tout en lui trouvant des excuses dans son éducation et le traumatisme de son premier veuvage. Elle fait subir tant de choses à ses enfants, les obligeant à vivre dans le dénuement, les écrasant par son amour maternel vorace et intransigeant , leur interdisant de questionner sur leur père que j’étais choquée par sa conduite. Certains personnages auraient du être mieux expliqués comme cette femme en noire que Royall va croiser.

C’était la première rencontre avec cette auteure, sans doute pas la dernière. Une bien belle plume.

Actes Sud

C’est bien plus qu’un roman sur la délinquance sexuelle et l’exclusion ; c’est un roman sur l’hypocrisie, la perte d’identité. A travers l’histoire de Kid, Russell Banks déroule devant nous un univers sans pitié, misérable, et méprisant, un monde fait de culpabilisation , de fausse pudibonderie, de perte de soi.
Kid, avec son bracelet electronique à la cheville ne comprendra qu’en toute fin de roman qu’il lui reste malgré tout encore 10 ans à vivre ainsi dans l’exclusion, ces 10 années de mise à l’épreuve pendant lesquelles il n’aura pas accès à un logement car il ne doit pas résider près des écoles ou lieu public, et de plus n’importe qui : futur employeur ou bailleur peut connaitre en un clic son passé et sa condamnation. Kid a grandi quasiment seul avec pour compagnie un iguane ( d’où la photo de couverture) Sa mère ne se préoccupant guère de lui, il a commencé à traîner sur le net, de fil en aiguille sur les sites pornographiques. Sa condamnation a trois mois de prison, il la doit à un traquenard suite à un chat avec une jeune fille. Rien n’était prémédité, il ne pensait même pas réellement à ce qu’il pourrait faire si l’occasion de présentait. Le vice est là, dans ce piège qu’on lui a tendu. Kid m’a énormément touchée, attendrie et attristée
A sa sortie de prison Kid n’a pas la choix, il va rejoindre la cohorte des laissés pour compte sous le viaduc. C’est là qu’un professeur de sociologie, énorme qui prend toute la place, va aller à sa rencontre pour l’interviewer . Qui est Kid aujourd’hui ? pourquoi a t il été condamné ? Mais Alamasse comme kid surnomme le prof est il vraiment ici dans ce seul but ? N’a t il pas lui aussi un secret, une maladie ?
C’est tout au long du roman aussi l’occasion de s’interroger sur la place que prennent les nouvelles technologies, sur la place que l’individu puni peut encore trouver dans un monde déshumanisé et hypocrite.

Liana Levi-Piccolo

Une plantation non loin de Bâton-Rouge. James travaille sur la plantation de Marshall Hebert, riche blanc. Il conduit le tracteur pendant que d’autres emplissent la remorque de maïs. Ce jour-là Bonbon, le contremaître cajun, lui ordonne de conduire Marcus un jeune noir condamné à la prison chez lui pour récupérer des affaires et venir travailler. A Bâton-Rouge Miss Julie prie James de s’occuper de Marcus, James ne sait pas dire non. Marcus est égoiste, et s’habille comme un dandy.
Bonbon est marié à Louise qui ressemble à une enfant et ils ont une petite fille, surnommée Tite ( maladive). Mais Bonbon a aussi une maîtresse noire, Pauline avec qui il a eu des jumeaux. Pauline vit dans les quartiers noirs où Bonbon lui rend visite deux ou trois fois par semaines. Elle a obtenue de lui de travailler à la maison du maître.
Marcus ne veut pas rester 5 ans ici. Il fomente une vengeance, une évasion. Il n’est pas payé car logé et nourri. Lorsque les  » ouvriers  » achètent au magasin Marcus sait qu’il prolonge d’autant son travail dans la plantation.
Tout le quartier noir, guette, attend, et suit l’évolution des rapports humains tandis que la poussière vole partout et colle aux semelles. L’atmosphère est de plus en plus oppressante, et …je m’arrête là, à vous d’être curieux maintenant.

Éditeur Christian Bourgois

Une petite ville d’Amérique, le soir d’Halloween. Une fillette est retrouvée morte sur le bord de la route enfouie sous des feuilles mortes. Nous sommes à la veille d’une rencontre très importante de football, la petite ville risque d’être sous les feux de la rampe, les édiles se frottent les mains de bonheur en pensant à la somme d’argent que cela signifie.
Le hic c’est que le responsable est le quaterback de l’équipe sur qui repose la future victoire.
Le maire et le commissaire de police confient l’enquête avec charge de l’enterrer à Lawrence qui vit seul depuis le divorce et ne peut voir que très rarement son fils. La maire lui promet le poste de commissaire.
Lawrence va cependant aller jusqu’au bout de son enquête et révéler beaucoup de faits.

Michael Collins dépeint ses personnages avec beaucoup de soin, les salauds comme les femmes qui élèvent seules leurs enfants. On y côtoie le mensonge, l’appât du gain, la trahison, la bigoterie et la vie morne et vide des villageois.

Il y a beaucoup de rebondissements, de manipulations, de mensonges, une intrigue costaud, un bon roman noir.

Demande à la poussière c’est l’histoire d’Arturo Bandini, 20 ans, qui débarque à Los Angeles plein d’espoir après la publication par Hackmuth de sa nouvelle  » Le petit chien qui riait  » . Il vit dans un hôtel minable, vivotant de l’argent qu’il sollicite auprès de sa mère, et de quelques sous reçus de journaux pour la publication d’une nouvelle. Concentré sur sa machine à écrire, il sue sang et eau, les lignes vont et viennent et rien n’en sort qui puisse convaincre. Il est torturé :

Parfois une idée flottait innocemment à travers la pièce. C’était comme un petit oiseau blanc.Il voulait seulement m’aider, ce cher petit. Mais moi je le frappais, je l’écrasais en martelant mon clavier et il expirait dans mes mains.

Il n’a pas d’argent pour se nourrir convenablement :

Intéressante innovation, ça, pêches et oranges. Je les déchirais à belles dents, je les mastiquais, le jus me vrillait l’estomac et gémissait là au fond. C’était si triste là en bas, dans mon estomac. Ça pleuraitbeaucoup,énormément même,avec des petits nuages gazeux vaseux qui me pinçaient le coeur.

Dans un bar, il rencontre Camilla Lopez, mexicaine, qui est serveuse et dès cette première rencontre s’installe entre eux un jeu étrange de séduction / répulsion. Il l’humilie, elle sous-entend son manque de virilité. Elle l’obsède

jusqu’à en oublier que j’étais pauvre, et sans la moindre idée pour une nouvelle

Le lecteur voit en Arturo un être bourré de contradictions, tour à tour généreux et haineux ( avec cette pointe de racisme dont il a souffert et se venge sur Camilla), parfois naîf, maladroit, un adolescent en pleine construction et aussi cette générosité dont il fait preuve dès qu’un cachet lui tombe du ciel.

John Fante décrit Los Angeles et les rêves perdus pour ces gens venus y finir leur jour au soleil mais en crevant la faim. C’est la poussière du désert du Mojave et c’est la poussière qui recouvre tout.

J’ai savouré ce roman. L’écriture de Fante est juste, il ne cherche pas à y faire de l’épate il décrit la réalité quotidienne et ce quotidien prend des aspects magiques sous sa plume. Les personnages y sont dépeints d’un regard tendre et ironique. J’ai oscillé entre le sourire et la tristesse, la compassion et la révulsion pour Arturo ( quand il se débat avec le racisme) J’ai admiré les pages où il relate la pauvreté dans cet Eldorado.

Vous l’aurez compris que j’ai beaucoup aimé