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Neil Jomunsi #ProjetBradbury : nouvelle 31 à 40
Katherine est aux anges. Au terme d’une carrière politique exemplaire, elle vient enfin de réaliser son rêve : devenir Présidente des États-Unis d’Amérique. L’investiture se déroule selon le protocole et la nouvelle femme la plus puissante de la planète prend bientôt possession du Bureau ovale. Un militaire frappe alors à la porte. Sa mission : dévoiler à la Présidente les secrets les mieux gardés de l’État. Autant dire que Katherine n’est pas au bout de ses surprises.
On se demande souvent quels sont les secrets d’état, parce qu’on est pas dupe il y en a forcément. Avec Premier jour les révélations vont crescendo. Katherine a bossé dur pour être élue pourtant rien ni personne n’aurait pu la préparer à ce que, ahurie, elle découvre sous le regard plutôt amusé du chef des armées. C’est une amusante et divertissante nouvelle et Neil Jomunsi y a inséré des clins-d’oeil savoureux. L’usage possible des clones m’a franchement bien fait rigoler.
Un extrait pour la bonne bouche comme on dit :
Il n’avait droit de savourer ce tour de manège qu’une fois tous les quatre ans, moins lorsque le Président était réélu : il distillait donc ses révélations avec gourmandise de l’ascète visitant sa première usine de chocolat.
Lire le billet de l’auteur à son sujet.
Nano, nouvelle 32 :
Zack Fleischer est un journaliste high-tech qui a traversé les époques et les innovations jusqu’à devenir la référence mondiale en matière de critique technologique. Mais les temps ont changé, et ses rêves d’enfant ne se sont jamais réalisés : au lieu des robots qu’il imaginait, le futur a préféré se doter de nano-machines qui répondent désormais à tous les besoins des êtres humains. La lassitude aidant, le journaliste décide de prendre quelques jours de repos.
Je l’ai déjà dit après avoir lu Hacker, un monde voué à n’être plus que technologies me fait peur, et ce n’est rien de le dire, alors évidemment cette nouvelle, Nano,m’a encore plus alarmée. On peut me faire lire des trucs avec des hectolitres de sang, des meurtres monstrueux ça ne me fera pas autant palpiter de trouille que de lire ou visionner des œuvres projetant le monde vers ce modernisme affolant. Bon, bien sûr y a de bonnes intentions parfois. Bref !
Zack je ne l’aime pas : il fait la pluie et le beau temps dans les médias, il est orgueilleux et même sa vieillesse ne me rend pas plus indulgente à son encontre. Pour tout vous dire c’est limite si j’ai pas pensé : « bien fait pour lui ».
Nano…c’est humour et ironie avec une bonne pincée de noirceur humaine.
Citation :
On avait beau inventer toutes sortes de choses, on n’avait pas encore trouvé le moyen de ne pas déféquer au moins une fois par jour. L’ironie de la nécessité ne manquait jamais d’amuser le journaliste.
L’article de blog
L’oeil des morts, nouvelle 33 :
La Nouvelle-Orléans est une ville envoûtante, dans tous les sens du terme : outre ses fantaisies architecturales, ses carnavals morbides et ses marais dont l’odeur imprègne les murs comme les hommes, elle abrite des secrets dont des mortels ne devraient jamais se mêler. Fraîchement débarqué pour un séjour touristique, un écrivain fait la connaissance d’un garçon étrange. Leur parcours suivra celui de l’ouragan Katrina et les mènera sur les traces de ceux qui attendent dans la terre des marais.
Le personnage principal est La Nouvelle-Orléans, ville dont l’odeur saisit et pénètre le narrateur. Nous cheminons à ses côtés. La Nouvelle-Orléans semble isolée, comme à part de tout. Bien sûr il y a eu Katrina et bien sûr les vestiges sont toujours présents. Pourra-t-elle un jour se relever complètement d’un tel drame ? Et puis, il y a Napoléon, ce jeune guide marqué par la tragédie auquel le lecteur attache également ses pas.
C’est une nouvelle empreinte de lenteur à l’image de la moiteur de la cité, l’impression d’être suspendue entre passé et présent. Il y a cette émanation puissante et envoûtante d’un héritage qui pousse et tire, murmure et gronde quelque part.
J’écris cet article de blog en relisant ces nouvelles et je m’aperçois que je les redécouvre sous un autre jour, le temps a filé et L’oeil des morts me touche encore bien plus aujourd’hui qu’à sa sortie.
Citation :
Cette pestilence me pénétrait corps et âme et me tordait le ventre, tant de douleur que de tristesse.
Présentation de la nouvelle par l’auteur
Carte postale, nouvelle 34 :
Après avoir expérimenté avec succès sur un vieux chimpanzé, Pierre et Marie sont sur le point de faire une découverte scientifique majeure : grâce à un composé de son invention, le scientifique, aidé par son épouse, va interrompre ses battements cardiaques pendant quelques minutes. Quand il reviendra d’entre les morts, il pourra enfin raconter au monde ce qui se cache derrière le voile. Mais l’expérience ne se déroule pas comme prévu.
Un sujet classique pour cette nouvelle. Carte postale est bien menée et écrite aucun doute là-dessus mais elle n’entre pas dans mes coups de cœur pour le Projet Bradbury.
Le billet
Spot, nouvelle 35 :
Lizzie Carvalho aimerait bien se sortir de la spirale infernale dont elle est prisonnière : après les échecs de ces dernières années, l’ancienne détective privée émérite a touché le fond, tant d’un point de professionnel que personnel. Mais une nouvelle affaire frappe à sa porte, lui donnant ainsi une chance de rebondir : il s’agira d’enquêter dans l’univers des publicités holographiques. Et on ne peut pas dire que ça l’enchante.
Absolument loufoque, complètement jubilatoire cette nouvelle ! Un mélange de Roger Rabbit, Thursday Next et Où est Charly ce qui vous avouerez n’est pas rien. Ça galope de partout, c’est foisonnant, vous l’aurez compris Spot m’a enchantée. Si comme moi, vous lisez ce Projet Bradbury dans l’ordre de parution de ses nouvelles, vous verrez que Spot est en quelque sorte une bouffée d’oxygène. Ceci dit, j’espère bien que les publicités ne nous envahirons jamais à ce point, ce que nous « subissons » est bien assez , même si je reconnais à certains publicistes en grand talent. Et puis, Spot ressemble tellement à une enquête à « l’ancienne ». Une belle réussite, un chouette divertissement.
L’article de blog
Le jour du grand orage, nouvelle 36 :
Cela fait si longtemps que je regarde la pluie tomber que je ne me souviens plus du jour où je me suis arrêtée ici. Il faisait si sombre, si noir, et j’ai eu si peur quand je suis arrivée que j’aurais voulu crier de toutes mes forces. Mais la rivière a apaisé mes craintes et, maintenant, je regarde les étoiles en attendant qu’elles descendent. La nuit, je me souviens du jour du grand orage.
Neil Jomunsi a raison, il est impossible de parler de cette nouvelle sans prendre le risque d’en dévoiler trop. Je me limite donc à signaler sa finesse d’écriture, la richesse des descriptions, tous ces mots et phrases comme une danse des voiles révélant peu à peu l’histoire.
Une nouvelle qui m’a considérablement émue. J’admire cette prouesse narrative.
Sur le blog
Sur la route, nouvelle 37 :
D’aussi loin qu’Aaron puisse se souvenir, il s’est toujours trouvé dans la file d’attente. Inlassablement, la procession franchit plaines et déserts, montagnes et vallées, s’étendant sur des milliers de kilomètres depuis si longtemps que plus personne ne sait vraiment pourquoi il fait la queue. Dans une quête de sens obscurcie par l’absurde qui rôde, les hommes naissant, vivent et meurent en file indienne… mais pour quelle raison ?
Malgré l’élégance de l’écriture, la sensibilité qui en jaillit quasiment à chaque phrases, Sur la route est pour moi trop inerte, une ligne droite sans issue juste ce point à l’horizon à chaque jour renouvelé. Peut-être aussi parce qu’en la relisant le sentiment qui m’avait saisit à la gorge m’a repris plus violemment encore : le non-sens, le néant, l’absurdité …la sueur froide tout simplement. La vie se résumant à une quête sans issue, ça fait peur.
On devrait interdire aux enfants de lire de la science-fiction : ça ne fait que leur attirer des ennuis. Voyez Rick, par exemple : un jeune homme plutôt sympa de prime abord, mais qui dissimule son sadisme derrière un doctorat de biologie moléculaire. Même chose pour Monster, pour qui les cartes Magic sont plus qu’une passion, carrément un sacerdoce. Moi, je compte les points et j’attends que les morts se relèvent, là, dans le garage où nous faisons nos expériences.
Retour à l’humour dans cette nouvelle et quel humour ! Présenter la lecture comme un énorme danger potentiel, fallait oser le faire d’autant plus lorsqu’il s’agit de Science-Fiction. Lire Neil Jomunsi expliquer la grossetêtification des mômes a été un vrai régal. Un rendu très visuel tout au long de Zombeek . J’ai revu les parties endiablées de mes fils à Magic, d’ailleurs ils n’ont pas cessé d’y jouer…serait-il temps que je m’en inquiète ? Ici, pas de cabane au fond du jardin, non, un garage et en route pour les expériences les plus follesdingues.
Pensez-bien que le môme a trouvé un moyen de se farcir la tête de conneries pour pas un rond et qu’il compte bien exploiter le filon jusqu’à la fin des temps. Toutes les bibliothèques, même les plus minables, ont un rayon « Science-Fiction ». Contre son pouvoir d’attraction, votre autorité est impuissante.
L’article
Panoptikon, nouvelle 39 :
Jacob n’est pas un prisonnier comme les autres : pour une raison qu’il ignore, le pénitencier dans lequel il est enfermé est vide. À chaque fois qu’il s’endort, une assiette l’attend devant les barreaux à son réveil. Malgré les apparences, quelqu’un le surveille donc en silence.
Il faut avouer que l’incarcération, ou plus généralement, la notion de punition carcérale sont un sujet qui revient fréquemment. Les sociétés y compris les plus « modernes » en débattent, que ça soit en nombre d’années, ou de milieu. Punir, soit, mais cela a un coût bien réel. Avec Panoptikon Neil Jomunsi planche aussi sur ce sujet.
Panoptikon est glaçante, attendez-vous à une sacrée descente.
Quand Katherine, sa mère et ses deux soeurs arrivent au bal que donne le jeune lord Huntchington dans le petit village de Langdon Shores, Angleterre, elles sont émerveillées : il faut dire qu’à la campagne, les occasions de se divertir se font rares. Mais alors que l’orchestre entame un quadrille endiablé et que les pieds des danseurs claquent sur le parquet ciré, Katherine ressent une gêne : la scène ne serait-elle pas un peu trop « cliché » ?
Quand l’un des personnages a des velléités littéraires et contredit l’auteur, ça bougonne, ça réagit vivement et surtout ça fait rire les spectateurs ! Voilà, Ghostwriter pour moi ça été une pièce de théâtre bien plus encore qu’une salle de bal. On ne s’étonnera pas que j’ai subitement eu l’envie irrésistible de relire L’affaire Jane Eyre de Jasper Fforde. Quand l’auteur se prend une bonne leçon s’est amusant, d’autant que certains le mériteraient amplement parfois.
Un bien bel hommage en tout cas.
Sur le blog ActuaLitté
Arrivée ici, je peux confirmer encore une fois que ma décision de soutenir et suivre semaines après semaines le Projet Bradbury et son auteur, Neil Jomunsi est une très bonne chose ; non seulement par l’éventail de lectures proposé mais aussi par le cheminement créatif de l’auteur et les réflexions qu’il mène depuis le début, ces réflexions qui ouvrent sur l’échange et la diversité. C est intéressant, riche, et essentiellement humain et dénué d’artifices. Ici, je crois que ce que j’apprécie le plus c’est la sincérité qui émane de toute cette charge créative. Il ne cherche pas à appâter pour vendre un produit, non, Neil nous fait la conversation tout au long de chemin. Chaque semaine apporte sa surprise. Parlant de ça, je peux dores et déjà vous dire que la nouvelle #42 vaut le détour. Jamais je n’avais eu l’occasion de lire une histoire rendue dans ce style. Une vraie prouesse, un truc de fou !
Comme toujours, ces nouvelles peuvent être achetées à l’unité, ou en intégrale, la troisième venant d’être publiée et sont disponibles chez Amazon, Kobo, Youscribe, Apple et Smashwords. Et vous pouvez aussi souscrire au Projet Bradbury.
Comme d’habitude d’autres retours de lectures chez Deuzeffe et Deidre
Les couvertures toutes plus belles les unes que les autres sont de Roxane Lecomte
Je renouvelle mon MERCI à Neil ! merci et BRAVO !