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La quatrième de couverture :
Nyons, sud de la France. Amar l’Emir, petit garçon bravache et rêveur, fuit sa grande soeur Noria qui veut le serrer dans ses bras à la sortie de sa garde à vue. Au quotidien, Amar déambule entre les chantiers, l’école, la rue et l’appartement familial hanté par la folie d’un père harki brisé et ivrogne. En grandissant, les rêves d’Amar deviennent plus flous et les désillusions se précisent. Puis le temps s’emballe. Adulte, Amar revient à Paris, où personne ne l’attendait. Sa visite ne peut signifier qu’une chose pour le fils de Noria, qui veille celle-ci dans le labyrinthe infernal de l’hôpital…
Lorent Idir a grandi à Montreuil. Passionné de cinéma et de musique, il navigue entre culture urbaine et plus classique, rappe sur de petites scènes puis s’initie au slam. Son écriture très noire rappelle celle d’Abdel Hafed Benotman. Auteur d’un premier album (Un cheval sur le périphérique), il forme avec son fère le groupe Twin Twin et prépare une tournée.
Ce que j’en ai pensé :
J’ai noté que plus un livre me touche, plus j’ai du mal à en parler. J’ai juste envie de vous dire : » Lisez-le, vous ne l’oublierez jamais « .
Plusieurs raisons à cela, la première, l’histoire d’Amar L’Émir et elle débute fort dans un cinéma où il assiste avec son oncle à une séance très spéciale. Résultat, ils se retrouvent au commissariat où on ne peut pas franchement dire que les flics soient sympathiques ni compréhensifs. Mettre les bracelets à un gosse, c’est tout de même ahurissant de cruauté. Pourtant Amar il rêve :
Ils m’appellent Amar L’Émir, et moi, j’veux qu’tout le monde m’appelle commandant Cousteau
Le père d’Amar, Said Ben Bourriche est un harki qui ne parvenant à être identifié comme français va de dérives en dérives: alcoolisme, violences sur sa femme Zakia et ses enfants, exploitation d’Amar sur les chantiers. Le père de famille les terrorise et la mère se débat seule face à l’assistante sociale tandis qu’Amar erre la plupart du temps dans la rue avec ses potes, Pois Chiche l’agérien et Rico le gitan.Parlons-en de cette assistante sociale, Madame Davout, ou plutôt, laissons Lorent Idir en parler :
Madame, je ne vois rien dans ce placard qui puisse me satisfaire. Et votre frigidaire que j’ai obtenu après de gros efforts est vide. Vos enfants ne vont pas grandir sans une alimentation saine et consistante.
C’est déjà beaucoup qu’elle aille leur rendre visite alors essayer de comprendre la pauvreté c’est sans doute trop lui demander à cette brave femme. L’assistante sociale aveugle par facilité, par lâcheté, le modèle même de celle que redoute toutes familles nombreuses dans le besoin. Ne va-t-elle pas nous enlever nos enfants ? Vite faisons le ménage partout, que tout brille et reluise par qu’elle ne ratera pas une occasion de nous humilier. Agirait-elle de la même façon dans un foyer moyen bien franchouillard ? On se pose la question. La famille subit en silence.
Amar devient asthmatique aussi Madame Davout le fait-elle partir en cure dans un établissement tenu par des bonnes soeurs, accompagné de sa petite soeur Sonia . Cet épisode de sa vie est à l’image de ce qu’il a déjà vécu, autre lieu, autre entourage mais même tristesse, même mensonge, même cruauté. Amar sait au fond de lui pourquoi Sonia est ici, avec lui, mais je pense qu’ils n’en parleront pas.
J’aime beaucoup le personnage de Noria, la grande soeur, la maman de substitution, si vaillante, se battant pour offrir à sa soeur, ses frères et sa mère un autre avenir. Que de manigances, de risques pour parvenir à briser l’engrenage.
Voilà ce qu’Amar pense lorsqu’il rencontre son premier amour :
Je voulais tout ce que les gens normaux avaient toujours eu. Pourtant, tapie au fond de moi, je sentais cette peur qui parfois me nouait les tripes et qui toute ma vie m’avait poursuivi. Cette peur de rater, de ne pas être à la hauteur, la peur de me tromper de chemin, de prendre la mauvaise direction et de me perdre dans la forêt. Tout seul.
Le temps passe, Amar est adulte et âgé lorsque nous le retrouvons en fin de roman auprès de Noria et de Lorent, son fils.
Comment ne pas être happée par cette histoire ?
La deuxième raison qui fait de ce roman, un livre inoubliable et, très émouvant, je pense que vous l’avez deviné à la lecture des quelques citations. Ne me dites pas que cette écriture ne vous trouble pas, ne vous bouscule pas, ne vous remue pas ? Il ne s’agit que de quelques extraits, tout le roman est puissant, et d’une telle fluidité que je suis très admirative pour l’auteur dont c’est le premier roman. Je n’espère qu’une chose maintenant : un autre roman.
Au fond de nos cages. Nous avons besoin de nous aimer. Tous. Nous brûlons de ne pas nous trouver.Il nous faut faire le voyage vers nos coeurs et nos mémoires. Aimez-moi. Rencontrez-moi.Adoptez-moi. Car je suis seul et multiple.
A noter que la préface est d’Abdel Hafed Benotman ( tiens donc, lui aussi un auteur dont je peine à parler tant son écriture me bouleverse )