C’est un jeune homme parcourant la campagne chinoise qui va recueillir l’histoire d’un vieil homme, Fugui Xiu. Il est fils de propriétaire terrien. Il est mariée à Jiazhen avec qui il a eu une petite fille de 3 ans, Fengxia. Ils attendent un deuxième enfant. Ils vivent sous le même toit que les parents de Fugui.Fugui est dépensier, un «  fils indigne  » comme dit son père. Il fréquente les maisons closes et se met à jouer tant et si bien qu’il finit par ruiner sa famille. Son père hypothèque alors la maison et les terres. Fugui devra porter les sapèques à la ville chez Long’er.

Fugui comprit le message de son père :

Brusquement, je compris pourquoi mon père avait commandé des sapèques et non pas des pièces d’argent. Il voulait m’enseigner une vérité, me faire sentir combien l’argent était difficile à gagner. Cette idée me coupa les jambes. Accroupi au bord de la route , je me remis à sangloter en hoquetant, secoué jusqu’au bas du dos.

Fugui réclame 5 mou de terre à Long’er pour que sa famille puisse subsister. Fugui travaille durement sur la terre. Son père est mort et sa mère est au bout du rouleau.Jiazhen accouche d’un fils, Youqin et revient au domicile lorsque celui-ci a 6 mois.Devant l’inconscience de son gendre et le méprisant pour la ruine qu’il a provoquée, le père de Jiazhen vient la reprendre laissant Fengxia à la garde de son père. La famille doit quitter le domicile car Long’er en prend possession.

Mais bientôt la mère de Fugui tombe malade, il part en ville quérir un médecin…et là tout dérape. Il se fait embarquer par les soldats du Kuomintang. Lorsqu’enfin il pourra revenir chez lui, sa mère est morte et sa fille a été frappée par une maladie.

Curieusement, c’est la perte de leurs biens qui sauvera la famille. Long’er est fusillé en tant que propriétaire. Pauvres, Fugui et Jiazhen envoient leur fils à l’école et cherche à placer Fengxia. Puis c’est le collectivisme ( cantines, travaux des champs ) et les réquisitions, y compris le mouton de Youqin.

Et là s’arrêtera mon petit compte-rendu car je ne peux en dévoiler plus sans trahir le roman et les évènements qui vous y attendent. Je me demande même si je n’en ai pas déjà trop raconté. Vivre c’est ce qu’il reste au bout du compte, malgré les échecs, les deuils, et les déceptions.

Ce livre est moins intense que Brothers pourtant Yu Hua a réussi de nouveau à m’amener les larmes aux yeux.

Une belle façon de connaître la Chine et les vagues politiques successives.

 

Qu’il est difficile de trouver les mots justes pour écrire sur Brothers. Ce roman de presque 700 pages est d‘une rare et précieuse intensité.

Yu Hua place le décors de son livre dans le bourg de Liu. Ainsi parcourons nous de la révolution culturelle à aujourd’hui, les rues du bourg de Liu et la transformation progressive de son paysage et de ses habitants

Song Gang et Li Guangtou sont demis-frères….Li Lan est la mère de Li Guangtou et Song Fanping celui de Song Gang. Le livre commence part une scène très drôle ( Rotko en a mis en extrait plus haut ).
Song Gang est discret, effacé face à Li Guangtou qui n’aime rien tant que saisir l’occasion de regarder en cachette les fesses des filles et jouer avec sa » libido « .
Tous les personnages sont décrits avec grand soin et auront leur importance tout au long de ce long roman.
Song Fanping, le père, est une force de la nature, un grand gaillard qui n’en reste pas moins un coeur doux et généreux qui par tous les moyens veut protéger sa famille. Il a un grand sens de l »honneur et des responsabilités. Li Lan , celle qui souffrit tant de son premier mariage découvre la tendresse, l’amour et la sérénité…Hélas voilà que la Révolution culturelle va bouleverser le petit bourg de Liu.

Ce passage est un raz -de- marée dans le bourg. La cruauté, l’avarice, la petitesse s’installent et les mots de Yu Hua sont terriblement justes. Ce n’est pas tant la dureté de certaines scènes que de se sentir emplie de compassion pour la détresse de certain(e)s qui m’ont fait pleurer comme une fontaine. Des scènes de violence, de dureté, de sang, j’en ai lues beaucoup mais aucune n’a pu (su) comme Yu Hua sait si bien le faire me prendre aux tripes et provoquer cette communion de lecteur avec les personnages.
Song Gang et Li Guangtou doivent grandir , se perdre et se retrouver. L’un s’efface, l’autre nourrit sa revanche. L’un subira toute sa vie les conséquences de promesses faites, l’autre en profitera sans vergogne.
Et puis finalement, le destin et l’acharnement vont avoir des résultats et provoquer des retournements pour les deux frères.

L’argent tient une grande place dans ce livre…son manque ou sa profusion, les conséquences d’un état comme l’autre sont profondes.

Et puis, les sentiments et non la sensiblerie car Yu Hua a su très bien contourner ces  » travers ».

C’est avec beaucoup de finesse, d’humour et d’émotion que Yu Hua s’exprime.

Si vous êtes rebutés par le langage brut , ce livre ne vous plaira peut-être pas mais pourquoi ne pas essayer ?

Voilà j’ai reposé le livre que j’avais emprunté à la bibliothèque. Je veux l’avoir dans ma propre bibliothèque, c’est un chef d’oeuvre …je suis étonnée qu’il ne soit pas encore adapté au cinéma.

Dans l’édition d’Actes sud les notes de fin de volume sont utiles à la compréhension du contexte historique et aux différentes allusions aux légendes et courant artistiques

 

Histoire de vous donner envie, un extrait en début de livre

De nos jours, des fesses de femmes nues, on en voit partout, à la télévision, au cinéma, dans les VCD ou les DVD,dans les publicités ou dans les magazines, sur les stylos à bille ou les briquets… Des postérieurs de toutes sortes, des postérieurs d’importation ou des postérieurs de fabrication chinoise ; des blancs, des jaunes, des noirs et des bruns ;des larges, des étroits, des gros et des maigres ; des lisses et des rugueux ; des jeunes et des vieux ; des faux et des vrais. On n’a que l’embarras du choix, et une paire d’yeux ne suffit pas pour tout regarder. De nos jours, les fesses d’une femme à poil, cela ne vaut plus rien : il suffit de lever la tête pour en voir une paire, on a à peine le temps d’éternuer qu’on tombe sur une deuxième, et on n’a pas sitôt tourné le coin de la rue qu’on risque de marcher sur une troisième. Mais en ce temps-là, il n’en allait pas de même. C’était un trésor que personne n’aurait échangé contre tout l’or du monde, et il n’y a qu’aux toilettes qu’on pouvait espérer en mater une.
Si vous l’avez lu aussi, votre avis m’intéresse, aussi n’hésitez pas à commenter