Epilogue
Chez l’éditeur : [..« Vous êtes bien Marguerite Nourdi ? Je suis Line Passage,votre tutrice. »Cette phrase terriblement anodine l’avait faite dépositaire de la vie de Marguerite. À cette seconde, comme tombe une condamnation, tout le peu que cette femme avait pu gagner en droits dans sa pauvre existence s’était écroulé comme un fragile château de cartes. Marguerite fut expropriée de sa vie. Dépossédée d’elle-même…]
Ce sont deux vies, deux femmes qui vont se rencontrer et cheminer ensemble jusqu’au bout. C’est l’histoire de la vieillesse, du regard que notre société lui porte, du sort que notre justice lui réserve. Marguerite, pensionnaire de l’Epilogue, résidence aussi justement que cruellement nommée, voit débarquer Line, celle qui devra déterminer à sa place ce qui est bon et juste. Mais la vieille femme méprise ceux qui veulent lui faire payer sa longévité beaucoup trop cher, elle parvient à rallier subtilement sa tutrice à son désir de ne plus épiloguer.
Un terrible pacte tacite est conclu… Tourner le dos au mouroir pour découvrir ce qui se rapproche peut-être le plus de l’immensité de l’univers, l’océan dont le bord si étroit recueillera pourtant les derniers instants d’une vie près d’être engloutie.
C’est à la fois un récit ordinaire et complexe par la variété des émotions qu’il suscite. Ce sujet d’apparence simple, mettant en scène une vieille dame, Marguerite et sa tutrice ( également traductrice ) Line, va littéralement vous remuer les tripes, savamment vous malaxer la cervelle, vous pétrir le cœur. Oui, nous avons tous des « aînés » sur lesquels nous portons un regard parfois amusé, agacé, circonspect, inquiet etc… Ce troisième âge qui tend à devenir un quatrième âge tant l’espérance de vie augmente.
Marguerite n’a pas eu ce qu’on appelle un vie facile.
« La vieille femme possédait un langage particulier. Elle avait naguère conté son histoire à Line, sa scolarisation vite arrêtée, son mariage parce qu’il le faut bien, la vie à la ferme, l’enfant simplet, les champs, les bêtes, son ivrogne de mari, son veuvage, toute une vie de peines selon ses étranges expressions-les bras occupés et la tête inhabitée-une vie de silence-juste les fantômes des mots à l’intérieur-une vie sans caresses, sans joie, sans baisers, tant d’années de regrets en si peu de phrases. »
Les mots de Marguerite, ses regards, ses silences assènent des vérités que Line peu à peu assimilera, prenant conscience, parfois de manière abrupte, de ses propres préjugés à l’encontre des personnes âgées. A travers ce tandem, l’auteur, Anne Bert parvient avec justesse et sensibilité à interroger notre âme. Marguerite est pauvre et seule. N’ayant plus assez de ressources elle devra quitter l’Epilogue, cette maison de retraite car même en ces lieux il est question de rentabilité, encore et toujours.
Beaucoup d’entre nous avons visité nos grands-parents dans ces maisons. On le sait bien que tout ça revient terriblement cher si on veut que nos « vieux » aient un minimum de décorum et d’attention.On craint le jugement d’autrui si par malheur on n’a pas les moyens de les envoyer dans un « bon établissement ». Lorsque cela est fait on y va avec un peu de réticence, parce que les vieux ça sent. Ils sont là devant la télé, dans leur fauteuil roulant, ou errant avec leur déambulateurs, le regard perdu dans on ne sait quel songe ou vous attrapant la main au passage quémandant un regain d’amour, d’attention ou peut-être tout simplement la fin d’un calvaire ? Qu’en est-il de la vieillesse quand tout est pognon ? Que deviennent nos aînés, leurs cœurs et leurs corps une fois que nous les quittons ?
Tout comme bon nombre d’entre nous détestons les odeurs d’hôpitaux, nous sommes souvent soulagés dès que nous quittons ces endroits. On ferme les yeux et on n’y pense plus jusqu’à la prochaine fois, comme un devoir à accomplir.
Marguerite fait un choix personnel et ô combien compréhensible. Alors Line va l’aider de la façon la plus humaine qui soit. Marguerite décide et prend sa vie en main. Marguerite qui bien qu’ayant habité à peine à une quarantaine de kilomètres de l’océan ne l’a jamais vu. Enfin, elle va découvrir l’immensité. La première rencontre avec l’océan est une révélation pour elle et l’auteur en fait une scène infiniment belle et émouvante. Cette vieille dame si peu instruite, selon nos critères, a bien des choses à nous apprendre.
C’est un roman que je recommande tout particulièrement pour sa sincérité et le style de l’auteur. Marguerite vous prendra le cœur en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.
Un grand merci à Paul Leroy-Beaulieu pour cette belle lecture.
Je vous invite à lire l’interview d’Anne Bert sur le site de l’éditeur Edicool
Cet ebook sans DRM est à 3 € 99 vous pouvez l’acquérir en passant par le store de l’éditeur.