merditudeLa merditude des choses

J’ai découvert il y a quelques semaines le film du même nom. Lisant le générique, je me suis aperçue qu’il est tiré du roman. Ayant été très touchée, j’ai commandé le livre chez ma libraire de ma petite ville et trois ou quatre jours plus tard il m’attendait sagement au magasin. Je reste fidèle à ma librairie, puisque comme bon nombre de gros lecteurs j’ai toujours quelque chose à lire chez moi ( la liseuse n’y est pas étrangère ). J’aurais pu, il est vrai, me rendre au supermarché dans lequel a été implanté un rayon culturel important pour voir s’il y était, ou le commander sur la F… mais non, cela n’est pas dans mes habitudes de consommation.Ma libraire, j’y tiens beaucoup même s’il aura fallu plusieurs mois avant de briser la glace entre nous, plusieurs mois et beaucoup de sous ! Mais qu’à cela ne tienne, je ne demande pas à mon boulanger d’être plus amical que cela, je veux du bon pain. Eh bien avec elle c’est pareil mais je suis ravie que nos rapports aient évolués dans ce sens et que notre curiosité et nos échanges autour de la lecture soient de plus en plus chaleureux et variés. Comme quoi la patience est une bonne chose et qu’il est préférable de ne pas « juger » ni tourner le dos avant d’avoir eu plusieurs échanges. Bien sûr, je sais qu’agir ainsi n’est pas possible pour tout le monde.

Fin de l’a parte et maintenant voici la quatrième de couverture de La merditude des choses :

Dimitri vit chez sa grand-mère dans un trou perdu de Belgique, avec son père et ses trois oncles –soiffards invétérés et fans furieux de Roy Orbison. Entre deux cuites, des amours sales, une course cycliste nudiste et la ronde des huissiers, le clan des Verhulst parasite, fier de sa nullité. Une certaine forme du bonheur, qui ne convainc pas les services sociaux…

Plutôt que de vous offrir un énième résumé du livre, je préfère parler des émotions qu’il a suscitées. Elles sont diverses parfois assez dures,cependant l’auteur décrit son environnement avec tant d’humanisme frôlant la poésie qu’il faudrait être insensible ou sans doute un peu coincé pour s’offusquer de certaines scènes.Parce que ce récit se déroule fin des années 70 début 80, parce qu’il est autobiographique, parce qu’il ne cherche pas le misérabilisme et encore moins à stigmatiser les personnes décrites il est, selon moi, l’exemple typique d’un très bon roman sociologique, très loin du tapage médiatique de certaines sorties littéraires actuelles.

Aussi habitués aux huissiers qu’aux défis saugrenus ( et dangereux ), la famille est soudée de façon indéfectible : attaquer un des membres du clan s’est se le mettre tout entier à dos. C’est ce qu’explique Dimitri à Franky, fils de bonne famille qui s’est entiché de lui et dont le père tout à coup lui interdit de le fréquenter.

Il dit que vous êtes des gens minables. Des débiles. Que si votre engeance n’était pas maintenue artificiellement en vie par un tas d’aides-sociales, vous seriez depuis longtemps parmi les vers de terre. Dans la nature, vous n’auriez aucune chance de vous en sortir, les espèces les plus fortes vous auraient éliminés pour conserver l’équilibre. Les Verhulst se soûlent. Les Verhulst se bagarrent et traînent avec les canailles de la commune. Les Verhulst profitent et parasitent. Faut pas être fâché contre moi, c’est mon père qui le prétend, pas moi. 

En fait,Dimitri s’en fout éperdument, il a bien compris que Franky est vide et sait qu’il est le seul à le fréquenter.Le plus malheureux des deux n’est pas toujours celui auquel on pense en premier.

Notre narrateur porte un regard lucide sur ce qui l’entoure et malgré son jeune âge trouve lui aussi que collectionner les poils pubiens a plus de valeur que de collectionner les trains, car après tout ça n’est qu’affaire de gros sous cette histoire, tandis que les poils, ça c’est quelque chose que tout le monde a à sa portée. Car dans la famille Verhulst on est socialiste. Ils ne trichent pas, ils sont fiers de ce qu’ils sont et font. Leur pauvreté ? Ils l’assument pleinement, dans cette tribu seul le père de Dimitri travaille, comme facteur, autant vous dire que ce ne sont pas les coups à boire qui manquent.
Avoir trop de meubles, une maison trop bien fichue mais ce serait se montrer riche et trahir leurs idées. Ainsi quand, fait extraordinaire, la sœur Rosy revient au village c’est bien la preuve que tout n’est pas si nul au pays.C’est à travers ce retour que l’auteur nous présente sa famille dès le début du roman.

Les Verhulst sont soûlards, oui, et le plus doué est sans doute Poutrel, le plus jeune des oncles. Celui-ci vexé d’avoir été écarté du fait de son âge du championnat des buveurs de bière lance un concours, le tour de France de l’alcool qui va réunir les plus gros buveurs qu’ils connaissent.Oui, eux aussi sont capables de grandes choses, la preuve n’est-ce pas ? La grand-mère assiste à tout cela ravie de penser que ça y est son fils est décidé à faire du sport, à s’investir à fond sur un projet. Naïve, elle va jusqu’à lui offrir un nouveau vélo.

Non, vraiment les Verhulst ne pensent pas à mal, c’est ainsi qu’ils vivent. Difficile d’imaginer qu’un enfant puisse grandir dans ce milieu et s’en sortir. Ce môme qui prend soin de son père, le fait boire son verre d’alcool le matin au réveil sinon celui-ci est incapable de se lever ni de faire aucun mouvement tant les tremblements le saisissent. Il lui allume ses clopes, bref, limite s’il ne se conduit pas en maman. Mais il le fait parce qu’il aime les siens. C’est à sa grand-mère que Dimitri devra de s’en sortir.
Un passage vers la fin du livre m’a particulièrement interpellée, il s’agit du moment où la grand-mère étant à l’hospice l’oncle Poutrel dit à Dimitri que des gars veulent enregistrer un CD avec les vieilles chansons à boire, celle que son père chantait à tue-tête. A mon sens, une bien belle déclaration concernant la récupération du patrimoine culturel et surtout sous son aspect financier et caricatural. Je vous en laisse juge.

Je trouvais ça pervers. Quelle illusion de penser que quelqu’un s’intéresserait honnêtement au peuple. Le seul fait de se jeter sur le peuple paré de tout un fatras pseudo-scientifique trahissait déjà qu’on se plaçait au-dessus du peuple. Le chercheur vient de l’extérieur. Les professeurs de folklore venaient-ils chez nous au bon vieux temps s’asseoir autour de notre repas de merde et manger avec les mains ? (…) Un seul de ces savants aurait-il jamais chanté avec nous pour le plaisir pur, et pas avec à l’esprit le projet d’une exposition ou quoi encore ?

Avec ce roman, plus que jamais on se dit la beauté est partout même dans un tas de fumier. Parce que, oui définitivement c’est un superbe récit poétique, sensible et humain, et souvent drôle. Nul trace de règlement de compte là-dedans, juste une histoire racontée avec humanité.

Je laisse le mot de la fin à Dimitri Verhulst.

La ressemblance éventuelle de certains personnages de ce livre avec des personnes existantes repose sur la simple connaissance du cœur humain

La merditude des choses aux éditions 10/18 : 7 € 50

#MTC de Stéphane Jouanny Editeur : CPPresse  Août 2013  Couverture Florent Vaille

#MTC de Stéphane Jouanny
Editeur : CPPresse
Août 2013
Couverture Florent Vaille

Moi, Représente Tous, Et parle au nom de Ceux

Mon objectif : fuir cette réalité qui m’angoisse en m’efforçant de fabriquer mon bonheur de toute pièce, dans l’espoir que celui-ci existe. En attendant, je sors. Je bois aussi. Beaucoup. Mais qu’importe mes choix, tout stagne sans amour et se traîne sans éclat. Jusqu’à ce que je la rencontre : ELLE.

Cette dope divine qui grouille dans votre muscle cardiaque et qui éradique toute forme de mal-être.

La vraie question : jusqu’à quand ?

Voilà un premier roman qui aurait bien mérité le battage médiatique de cette satanée rentrée littéraire. J’ai appris cette publication sur twitter en suivant l’auteur Stéphane Jouanny ( @StephaneJouanny ), attirée par les extraits proposés, impression favorable confortée par la recommandation d’un autre auteur que j’aime beaucoup Michael Roch ( @MchlRoch).

Le jeune narrateur ( l’auteur ) traverse son existence en posant regard lucide sur la société qui l’entoure, et plus particulièrement cette jeunesse dorée des beaux quartiers parisiens. Je vous assure qu’après cette lecture je ne vois plus cette jeunesse de la même façon. Je dirais même que j’ai eu de la peine et pas mal de pitié pour elle. Comme quoi, en effet, l’argent ne fait pas le bonheur mais y participe tout de même, soyons honnêtes.

Je ne suis donc pas un fan invétéré de la ‘jeunesse dorée’ et des ‘ fils à papa ‘. Je gerbe en effet l’idée de cette vie facile, cet état de richesse et de désinvolture que l’on n’a pas mérité.

Ce jeune homme s’interroge sur le monde, l’emploi, les relations humaines, l’amour, l’amitié. Il fait la noce souvent, abus d’alcool, du sexe sans lendemain avec des partenaires paumées et superficielles jusqu’au jour où ELLE déboule dans sa vie. Il a une vision idéaliste de l’Amour. Tout de suite entre eux c’est l’osmose. Jusqu’ici il était triste en son for intérieur, le tourbillon de sorties, de cuites ne servant qu’à masquer son mal être.

Notre amour n’est pas l’addition de deux semblables qui forment un tout, notre amour est la fusion d’un résultat qui tend vers l’infini. 

Stéphane Jouanny sait manier l’écriture, il en a une telle maîtrise que le lire c’est comme converser avec lui, ou l’écouter dénouer les mots, les semer sur notre route, créer tout un registre d’émotions et de partage autour d’une histoire qui peut paraître banale. Une histoire d’amour pensez-vous donc, le sujet est éculé. Sans doute, mais ici, il y a à la fois beaucoup de pudeur dans l’approche et tout autant d’images et de vocabulaire percutants. On sent bien que le souhait de l’auteur repose sur l’envie de partager une / son histoire, car ce roman est autobiographique à 80 % et ELLE existe pour de bon.

Les histoires d’amour durent-elles ? Celle-ci plus qu’une autre ? Vous le saurez si vous le lisez et franchement détournez un peu votre attention de ces 555 romans agités sous votre nez depuis le 21/08 et pensez à vous offrir, ou offrir celui-ci.

Sachez que parmi les pages de Moi, Représente Tous Et parle au nom de Ceux, il y a plein de petits papiers disséminés. Il y a tant de phrases que j’aimerais partager avec vous alors pour finir une dernière citation.

Nous vivons tous avec des secrets inavouables et nous cachons tant bien que mal nos vérités profondes. Je n’aime pas ou plus la vie, qu’importe si je ne sais plus quelle intensité choisir ; toujours est-il que je ne peux livrer cela à personne, au risque de choquer mon interlocuteur ou de me faire interner. Nous enfouissons alors cela pour paraître standard, mais nous ne le serons jamais.Les Hommes ont bâti un monde sur des inégalités et des non-dits, et nous devons à présent jouer du paraître pour ne pas quitter cette voie qui mènerait à l’anéantissement pur d’une destinée ancrée dans le collectif commun.

Roman édité par CpPresse, vous pouvez l’acheter sur le site  ainsi que sur ama…

Retrouvez Stéphane Jouanny sur son blog .